(sur l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 26 octobre 2017)
Par Me Alexandre MARINELLI, avocat au Barreau de Paris
Publication 3 novembre 2017
Le Cabinet ADAM-CAUMEIL est intervenu en la personne de Maître Alexandre MARINELLI dans un contentieux prud’homal opposant un employeur, filiale d’un groupe international, la société Z, à son ancien employé, Monsieur LS.
Monsieur LS avait saisi le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT (Hauts-de-Seine) d’une demande d’indemnisation fondée sur une prise d’acte de rupture, création prétorienne permettant à un salarié, en cas de manquement(s) grave(s) de son employeur de ‘‘s’auto-licencier’’, laissant l’indemnité de rupture et le préavis à la charge de ce dernier.
Le salarié demandait la reconnaissance de la rupture du contrat à son initiative et sa requalification en licenciement abusif à la charge de la société Z.
Pour établir la responsabilité de son employeur, Monsieur LS invoquait une modification substantielle de plusieurs éléments de son contrat de travail, dans le contexte de la mise en place d’une nouvelle organisation du travail au sein des sociétés du groupe.
Ayant pris acte de sa rupture, le salarié a cessé de se présenter à son travail, sans pour autant que son employeur l’ait dispensé de son préavis.
Or, il est de jurisprudence constante que, notamment en cas de licenciement jugé abusif, la période de préavis contractuel donne lieu à une indemnisation de plein droit au profit du salarié, indépendamment de la caractérisation d’un préjudice quelconque.
A l’inverse, lorsqu’un salarié démissionnaire n’exécute pas le préavis auquel il contractuellement tenu, il est normal de considérer qu’il doive une telle indemnité compensatrice à son employeur.
Toutefois, en pratique, dans cette dernière situation, les juges déboutent généralement l’employeur de sa demande indemnitaire, au prétexte de l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice subi par l’employeur.
Dans cette affaire, le Conseil de prud’hommes avait débouté Monsieur LS et qualifié sa prise d’acte de démission, mais sans en tirer toutes les conséquences de droit, notamment au regard de l’absence d’exécution du préavis contractuel.
Le salarié ayant relevé appel du jugement, l’employeur a reconventionnellement demandé la condamnation de celui-ci à lui verser une indemnité compensatrice pour le préavis non-effectué.
Dans son arrêt du 26 octobre 2017 (RG n° 15/04002), au fondement de l’article L.1237-1 du Code du travail, la Cour rappelle qu’ « en cas de démission, le salarié est tenu au respect d’un délai de préavis (…) et, sauf à en avoir été dispensé, le salarié qui ne l’exécute pas doit à son employeur une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux salaires correspondants. »
Cette indemnité présente donc bien un caractère forfaitaire et la Cour d’appel de VERSAILLES, rappelle qu’elle est due « indépendamment de la caractérisation d’un quelconque préjudice subi par l’employeur. »
Cette décision n’est certes pas une première, la Chambre sociale ayant déjà statué en ce sens en 1990 et 1991(Soc. 9 mai 1990, n° 88/40044 et Soc. 23 oct. 1991, n° 88/41278), mais il est rare qu’elle soit reprise par les juridictions inférieures.
Elle mérite toutefois d’être saluée, puisqu’elle contribue à une moralisation des rapports de travail, ce qui reste un des objectifs de la responsabilité civile en général.
Du côté du salarié, il convient donc, préalablement à la prise d’acte de rupture du contrat, de prendre en compte le risque de requalification en simple démission, auquel s’ajoute, en ce cas, une indemnité au profit de l’employeur au titre du préavis non-effectué.
Alexandre MARINELLI
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