Le régime de la brusque rupture des relations commerciales établies régi par l’article L.442-1 du Code de commerce vise à protéger les entreprises contre une rupture hâtive du contrat de la part du cocontractant : qu’importe la durée de préavis stipulée dans les contrats, les juges s’attachent à contrôler la durée du délai de préavis en tenant compte « notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ».
Autrement dit, même en présence d’un délai contractuellement fixé, la partie qui souhaite rompre la relation commerciale devra nécessairement accorder à l’autre un préavis dont la durée sera uniquement fonction de l’ancienneté des relations et des usages. Ce régime a un champ d’application très large, puisqu’il a vocation à couvrir toutes les relations préétablies. La seule limite, introduite en 2019, étant qu’un délai de dix-huit mois de préavis sera toujours considéré comme suffisant quelle que soit l’ancienneté des relations.
Les entreprises se retrouvent donc souvent amenées à conserver des prestataires inefficaces plutôt que d’avoir à leur verser une forte indemnité compensatrice de préavis. En outre, ce dispositif a un effet inflationniste, puisque cette indemnité sera nécessairement répercutée d’une manière ou d’une autre, sur le prix final.
Cependant, depuis une quinzaine d’années, on assiste en jurisprudence à un mouvement timide de reflux. Certains arrêts excluent purement et simplement l’application de l’article L 442-1 lorsqu’il s’agit de contrats spéciaux tels que le « contrat de transport public routier de marchandises » (Cass. com. 23 sept. 2014 n°12-27.387) ou le « contrat de locations de véhicules avec conducteur pour le transport routier de marchandises ». Pour ces derniers contrats, il existe en effet, des contrats-type définis règlementairement qui prévoient un régime dérogatoire bien moins favorable au contractant évincé.
Une autre orientation se dessine, qui consiste à regarder les dispositions contenues dans les contrats-types comme la preuve d’autant d’usages professionnels établis. Or, on se souvient que selon la loi, le préavis qui doit être concédé au contractant évincé est fonction de l’ancienneté des relations, mais aussi des usages. Dès lors qu’un contrat-type prévoit un délai de préavis limité cela est susceptible de constituer un usage professionnel établi.
C‘est à cette dernière orientation que se rattache un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 22 juin 2020. Dans cette affaire, un fabricant de matériel informatique avait, depuis 27 ans, recours aux services d’un même sous-traitant pour ses prestations de transport logistique. Il décide en 2019 de mettre fin à la relation commerciale et octroie un préavis d’une durée de neuf mois. Le sous-traitant contestant cette durée a saisi la justice.
Le Tribunal après avoir relevé qu’il existait, dans le domaine du transport, des contrats-type prévoyant un délai de préavis limité, a jugé suffisant le délai de neuf mois accordé en l’espèce. Ce faisant, les juges semblent avoir considéré que l’existence de contrats-type en matière de transport caractérisait un usage professionnel établi.
En matière de transport il existe, en effet, plusieurs contrats-type promulgués par l’Etat qui prévoient des durées de préavis fixes, et, à partir du moment où la relation professionnelle est susceptible de rentrer dans le cadre de l’un de ces contrats-types, il sera possible de l’invoquer comme usage et d’octroyer au prestataire évincé un délai de prévenance qui n’aura pas à prendre en compte la durée totale des relations commerciales.
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Auteur de cette analyse : Alexandre Marinelli - Avocat en Droit des Affaires notamment en droit commercial
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